Quand on parle du TDAH (trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité), l’image qui vient le plus souvent en tête, c’est celle d’un cerveau dispersé, constamment distrait, incapable de se concentrer. Mais la réalité est bien plus complexe… et parfois paradoxale.
L’un des aspects les plus méconnus – et pourtant profondément marquant – du TDAH, c’est l’hyperfocalisation. Un état de concentration extrême, qui peut sembler enviable, mais qui cache en réalité une grande fatigue cognitive et émotionnelle.
Dans cet article, je te propose de mieux comprendre ce phénomène à travers trois prismes :
👉 mon vécu personnel,
👉 une explication des mécanismes neurologiques en jeu,
👉 et des pistes concrètes pour apprendre à vivre avec, sans s’épuiser.

Mon expérience : entre performance et épuisement
Il y a des jours où je me sens complètement vidé(e), sans trop savoir pourquoi. Et puis je réalise : je viens de passer plusieurs heures en hyperfocus. Ce moment où mon cerveau s’agrippe à une tâche, souvent passionnante, et ne me lâche plus.
Je travaille sans voir le temps passer. J’oublie de manger, de boire, de bouger. Mon attention est verrouillée sur un seul objectif. Cela peut paraître efficace, productif, impressionnant. Et parfois, ça l’est. Mais à quel prix ?
Ce n’est pas une concentration fluide et régulée. C’est une intensité extrême, qui me laisse souvent épuisé(e), frustré(e), incapable de reprendre un rythme équilibré après coup.
Cette fatigue n’est pas qu’une question de sommeil. C’est une fatigue neurologique, une conséquence directe de la manière dont mon cerveau fonctionne. Et je sais que je ne suis pas seul(e) dans ce cas.
Que se passe-t-il dans le cerveau pendant l’hyperfocalisation ?
L’hyperfocalisation n’est pas une capacité “en plus”, c’est un symptôme d’un système attentionnel qui peine à se réguler.
Chez les personnes avec un TDAH, la régulation de l’attention est perturbée, notamment à cause de déséquilibres dans les circuits dopaminergiques. Résultat : le cerveau peine à “activer” la bonne intensité attentionnelle au bon moment.
Deux états extrêmes peuvent alors se manifester :
- soit une dispersion, une incapacité à se concentrer ;
- soit une hyperfocalisation, une concentration rigide et intense sur un seul sujet.
Cette dernière est souvent déclenchée par une tâche très stimulante émotionnellement, ou perçue comme urgente / passionnante. Le cerveau suractive certains circuits, notamment ceux liés à la dopamine et au cortex préfrontal, et se bloque littéralement sur l’activité.
Le souci ?
Ce mécanisme ne tient pas longtemps. Il brûle beaucoup d’énergie mentale, et ne permet pas de passer souplement d’une tâche à une autre (flexibilité cognitive réduite).
C’est comme si le cerveau fonctionnait avec un bouton « off » ou « turbo »… mais sans « mode normal ».
Comment vivre avec l’hyperfocalisation sans s’épuiser ?
L’idée n’est pas d’éliminer l’hyperfocalisation – c’est impossible et parfois même précieux – mais d’apprendre à l’apprivoiser et à poser des balises protectrices.
Voici quelques pistes concrètes :
1. Programmer des rappels externes réguliers
Utilise des alarmes douces (musique, minuteur visuel, montre vibrante) pour vérifier où tu en es, faire des pauses, te reconnecter à ton corps.
2. Observer les déclencheurs
Note les situations qui favorisent ton hyperfocus : heure de la journée, type de tâche, environnement… Mieux tu les connais, mieux tu peux t’y préparer.
3. Préparer l’environnement
Garde à portée de main eau, encas, carnet de pause… pour ne pas négliger tes besoins de base quand l’hyperfocalisation survient.
4. En parler à ton entourage
Cela permet d’obtenir du soutien, de poser des limites claires (« je suis en phase de focus, mais je m’arrête à 15h ») et de ne pas culpabiliser après coup.
5. Prévoir du temps de récupération
L’hyperfocalisation vide le réservoir. Autorise-toi des phases de repos (et pas forcément « productives ») après une session intense.

Une autre manière de voir l’attention
L’hyperfocalisation peut être vécue comme un super-pouvoir… ou comme un piège. Tout dépend de comment on la comprend et de l’espace qu’on lui donne dans notre quotidien.
Plutôt que de lutter contre elle, je t’invite à mieux la connaître, à repérer ce qu’elle t’apporte, ce qu’elle te coûte, et comment tu peux retrouver un équilibre durable.
Parce que révéler ton potentiel, c’est aussi honorer ton énergie et apprendre à naviguer avec tes propres rythmes.
Pour aller plus loin :
- Barkley, R. A. (2015). Taking Charge of Adult ADHD.
- Brown, T. E. (2009). A New Understanding of ADHD in Children and Adults.
- Podcast « Neurodivergent Insights » – épisode sur l’hyperfocus
Conclusion
L’hyperfocalisation fait partie intégrante du fonctionnement TDAH. Elle n’est ni un défaut, ni une force absolue, mais un mécanisme neurologique qu’il est essentiel de comprendre pour mieux l’apprivoiser.
Si tu te reconnais dans cette fatigue « post-hyperfocus », sache que tu n’es pas seul(e). Apprendre à gérer son attention, c’est un chemin. Et tu avances déjà en t’informant, en t’observant, et en prenant soin de toi.